Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/218

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léger tremblement des lèvres qui trahissait son trouble. Puis, peu à peu rassurée, elle hocha la tête et finit par me rire au nez. J’avais passé la mesure. Et quand je contai que j’avais vu une multitude d’hommes nus, énormes, suspendus dans l’air, on cria holà ! et l’on m’envoya coucher.

L’aventure du perroquet resta fameuse dans ma famille et parmi nos amis. Ma chère maman racontait, peut-être avec quelque orgueil maternel, ma course dans les gouttières en compagnie de M. Debas auquel elle ne pardonna jamais. Mon parrain m’appelait ironiquement chasseur de papegauts ; M. Dubois[1] lui-même, tout grave qu’il était, souriait presque en entendant conter une si étrange aventure et faisait cette remarque qu’avec son habit vert, sa grosse tête, son cou épais et court, sa vaste poitrine, ses formes trapues, son air rébarbatif, le perroquet amazone sur son perchoir offre assez le profil de Napoléon à bord du Northumberland. À ce récit enfin M. Marc Ribert, romantique chevelu, tout de velours

  1. Il sera parlé amplement de M. Dubois et quelque peu de M. Marc Ribert dans un volume de Souvenirs qui fera suite à celui-ci